C'est un tonnerre d'applaudissements qui rythme ma sortie de scène. Des cris d'encore qui hurlent mon prénom pour me revoir chanter une dernière chanson. Le public me réclame. J'adore ça.
SALEM ! SALEM ! SALEM ! SALEM !
Le groupe est épuisé. Moi aussi. Mais c'est transpirant que je remonte sur scène, accompagné seulement d'Ailean et de sa guitare acoustique. On va leur faire un dernier morceaux, à la voix et à la guitare. Généralement, les fans en sont friands. Je décide de lancer un titre que j'aime particulièrement, une reprise de la chanson "Behind Blue Eyes." C'est doux, et ça me permet de ne pas trop forcer sur ma voix... En plus de faire tomber à terre toutes les groupies.
***
Je sors à peine de la douche. Les cheveux trempés et plaqués vers l'arrière, je jette un rapide coup d'oeil à mon téléphone : il est une heure et demi du matin. Cependant ce soir, pas de place à l'angoisse. Pas de place pour la solitude, ni le manque de sommeil. Non. Ce soir, je suis invité à une soirée très particulière... Qui se déroule sur un yacht. Tout le groupe est convié d'ailleurs, mais je ne sais pas si les autres souhaitent venir... Ils sont peut être trop épuisés. Seulement pour moi qui déteste rester seul chez moi, c'est une excellente alternative. Et en plus c'est l'excellentissime Saphir que je dois y rejoindre... Que demander de mieux ?
Ah... Vous, vous ne savez pas qui est Saphir ? Mais je suis certain que vous avez sûrement déjà croisé le regard noir de ce petit canon en couverture de magasine, puisque c'est un célèbre mannequin. Et un célèbre mannequin avec qui il m'arrive de partir dans des virées plus loufoques les unes que les autres... Pour rester vague. Parce qu'on s'entend bien lui et moi, jusque dans les draps. Le feeling est toujours bien passé entre nous. Et puis honnêtement, vous l'avez bien regardé ? Pourquoi se priver d'un Adonis pareil ?
Bref.
Il faudrait que je me grouille. Alors j'active la pas. Je sèche mes cheveux que je laisse libres sur mes épaules, je tartine mes cernes de roll-on frais, et en avant direction : le dressing. J'enfile un costume deux pièces blanc, la seule touche de couleur étant mon noeud pap' rouge et des gants en cuir rouge puis s'en vient la dernière touche indispensable : le parfum. Des notes viriles et chaudes pour une nuit qui s'annonce similaire... Il est maintenant temps de partir. Je file dans la cours de ma résidence où m'attends mon chauffeur. Une fois grimpé dans la berline allemande noire, je le salue d'un signe de tête avant qu'il ne me demande :
"Où dois-je vous déposer, monsieur Hamilton ?""À la marina Mariner's Cove."***
Lorsque la berline se gare devant le pont principal, toutes les têtes se retournent. Et c'est sans compter les photographes qui déjà attendent tels des vautours... Mon chauffeur ouvre la portière et alors des cris fusent :
"MON DIEU C'EST SALEEEEM DE NÉMÉSIIIIS !!!"
Les agents de sécurité viennent faire bloc pour me laisser passer sans danger au milieu de la foule excitée, tandis que les photographes m'éclairent de leurs flashs agressifs. L'avantage, c'est que je passe devant tout le monde, m'arrêtant parfois en chemin pour faire une photo, ou signer un autographe. ll y en a d'ailleurs un que je signe, au feutre, sur la naissance d'un joli sein bronzé... Je parie que la fille ne se lavera plus pendant des semaines après ça... Mais passons. Je montre mon invitation que j'avais soigneusement glissé dans ma poche avant de sortir de chez moi, et le vigile me laisse passer, m'offrant un bref sourire.
Il y a du beau monde ce soir. Beau monde masqué même. Et je me rends compte que je dois être le seul abruti à ne pas l'être...
Je reconnais quelques visages de mannequins, une actrice, un pianiste... Le gratin people en vogue du moment, notez les bimbos refaites qui s'amusent de la fortune de leurs pères... Mais n'arrive pas à mettre la main sur Saphir. Je demande donc à une invitée après l'avoir tendrement saluée d'une main dans le bas des reins. Elle me dis l'avoir vu assis, seul, près du bar. Il me suffit donc de quelques secondes pour repérer mon acolyte vers lequel je me dirige après avoir remercié la jeune femme d'un rapide baiser sur la joue.
"Saphir, p'tit pédé... Comment tu vas ?"Le sourire est taquin, le regard est pétillant... Je me permets une accolade franche, et une petite tape amicale dans le dos :
"Alors comme ça tu te cache derrière un loup... T'avais peur que j'te reconnaisse et que j't'attrape trop vite ou quoi ?"J'esquisse un petit sourire plein de malice, faisant claquer légèrement le masque sur le coin de son beau visage. Ça m'fais plaisir de le voir. J'sens qu'on va passer une bonne soirée encore...
©junne.